Le bébé naît immature et cela se manifeste sur tous les plans y compris celui du sommeil. Un parent ne s’attend pas à ce que son enfant parle à 2 mois, mange un bon gros spaghetti à 4 mois, marche à 6 mois, à ce qu’il soit compétent en mathématique à 12 mois. Ces aspects du développement de l’enfant sont en général connus et acceptés.
Alors, comment expliquer que des adultes (dont des professionnels) souhaitent que les enfants deviennent autonomes la nuit, et ce le plus tôt possible?
Quelques facteurs :
La méconnaissance des étapes du sommeil chez le jeune enfant
Les messages contradictoires qui viennent augmenter l’anxiété du parent et brouiller ses intuitions
Dormir est un besoin vital.
Le bébé dort dans le ventre de sa mère sans que personne ne lui fournisse d’indications. À la naissance et durant les premiers mois de vie, il dort selon son degré de maturité et selon ses besoins :
Celui de se nourrir fréquemment pour éviter les hypoglycémies et pour grandir (les bébés triplent leur poids dans la première année de vie). Ce n’est pas rien!
Celui, tout aussi essentiel, de s’attacher. Entrecouper les périodes de sommeil avec de brefs moments d’éveil pour développer un lien d’attachement avec son parent, est ce que la nature a prévu.
Dr Rosa Jové, pédopsychiatre et spécialiste du sommeil chez l’enfant, dans son livre : Dormir sans larmes: les découvertes du sommeil de 0 à 6 ans, dont le titre original (traduit librement) est : Dormir sans larmes : le laisser pleurer n’est pas la solution, présente la physiologie du sommeil.
"Entre 7 et 10 mois, toutes les phases du sommeil sont déjà en place, mais leur périodicité et leur durée diffèrent encore de celles de l’adulte. Rappelons que, jusqu’à l’âge de 4 ans, l’enfant fait encore de petites siestes. C’est vers l’âge de 5 ou 6 ans que nous accédons à un sommeil proche de l’adulte, à savoir une seule période, nocturne, sans siestes, et d’une durée de huit à dix heures environ. Les enfants comme les adultes connaissent des réveils nocturnes, la seule différence étant que ces derniers maîtrisent la technique du retour au sommeil. Nos enfants ne savent pas encore comment se rendormir seuls, mais ils y parviendront un jour." p.55
Le sommeil du jeune enfant est donc différent de celui de l’adulte. Cela semble évident et pourtant, les techniques d’apprentissage préconisées nient cette réalité biologique. Une des méthodes proposées est de laisser pleurer le petit pendant quelques minutes, puis aller le voir et à nouveau le laisser seul.
Quelques questions et une réponse courte
Pourquoi dans la plupart des cultures (sauf en Europe et en Amérique du Nord), les enfants ne dorment pas seul? Un enfant a besoin de quoi? Une chambre ou la proximité, les bras, le regard, la voix de son parent?
Un être humain pleure la nuit. L’enfant vit un grand stress séparé de son parent. Il demande de l’aide. Si nous le laissons pleurer, sans soutien, pour qu’il apprenne à dormir, qu’est-ce qu’il apprend réellement? Qu’au moment où il a besoin d’aide, on le laisse tomber? Peut-il avoir la pensée que ses parents agissent ainsi pour son bien?
Un petit pleure et s’endort d’épuisement. Quel est son vécu et quels sont les impacts sur sa santé? Dre Catherine Gueguen dans son livre Vivre Heureux avec son enfant, mentionne que le stress peut provoquer agressivité, anxiété et dépression. p.66
Le sommeil du jeune enfant est précieux. Il a besoin de temps pour bien s’installer. Il est rythmé par la maturation, et influencé par les besoins, les stress de la vie et ceux associés aux apprentissages.

Relativement aux besoins, celui d’être proche de son parent, surtout dans des moments de malaise, figure au premier plan. La proximité représente pour le jeune enfant ce qui est le plus important pour se sentir lié et en sécurité. La nuit, quand la mère est tout près, le bébé ressent des sensations de chaleur, douceur, odeur familière, et entend le rythme du cœur et de la respiration qu’il a connu dans sa vie intra-utérine. Il est aux anges.
Le tout-petit, éloigné de sa source de sécurité, vit avec des impressions de solitude et de peur. La nuit, les êtres humains sont plus fragiles, ont plus de craintes, d’angoisses. Il en est de même pour les tout-petits. Le jeune enfant perçoit le monde à travers les sens et les émotions. Il n’a pas accès à la pensée rationnelle et à l’analyse. Il ressent entièrement les « fantômes » de la nuit (par exemple, les adultes savent que les loups ne sont pas dans la maison, eh bien, l’enfant lui ne le sait pas).
Les enfants comme les adultes sont stressés. Une naissance difficile, la prématurité, la séparation, être gardé par une personne étrangère, le bruit à la garderie, le changement d’éducatrices, la perte d’un animal, d’un doudou, l’arrivée d’un nouveau-né, le stress ou l’absence d’un parent, etc. sont des situations angoissantes. Tout ça déclenche des tensions et va probablement avoir un impact sur le sommeil.
Enfin les acquisitions sont nombreuses durant les premières années de vie. L’enfant passe par 5 phases-clés qui comportent de nombreux et grands défis *(voir Formation). L’angoisse de séparation et la colère font partie de son vécu, et ce de façon intense. Rappelle-toi, le jeune enfant est sensations-émotions et la raison lui fait défaut. Si l’enfant ne reçoit pas écoute, attention et compréhension, son sommeil en sera affecté.
Être rapproché, en contact, bercé, réconforté favorise un sommeil réparateur et la sécrétion de molécules de bien-être (ocytocine, endorphines, dopamine et sérotonine). Toutes ces « ine » riment avec bonne mine!
Aussi, peu à peu, l’enfant développe un sentiment de confiance vis-à-vis son parent et de lui-même (mes besoins et émotions sont pris au sérieux, je me sens alors compétent-compétente). En faisant l’expérience humaine d’être consolé, une sécurité affective se construit. Grâce à la présence inconditionnelle de son parent, le jour et la nuit, il dort paisiblement et est éveillé joyeusement!
Les parents sont préoccupés par le sommeil de leur enfant et cela montre leur sensibilité. Ils sont également confrontés à 2 types de message : tu t’y prends mal ou ton enfant a des problèmes. Cette situation difficile s’ajoute aux stress reliés au monde du travail : monde non-adapté aux besoins spécifiques des jeunes enfants.
Que faire? D’abord en parler à des personnes de confiance et ensuite s’indigner. Nos enfants méritent une société qui prend soin des parents et les aide à être ce qu’ils désirent: des parents épanouis.
Jové, Rosa. (2017). Dormir sans larmes. Les découvertes du sommeil de 0 à 6. Pour plus d’infos : Médiagraphie, Section Physiologie
Gueguen, Catherine. (2015). Vivre heureux avec son enfant : un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives. Pour plus d’infos : Médiagraphie, section Neurosciences affectives et sociales
Pour aller plus loin :
Équipe de l’Autre maison, Centre de périnatalité (2015). Annexe 9 : Sommeil du bébé. Dans Trousse de voyage au cœur de l’attachement. Pour plus d’infos : Médiagraphie, section Physiologie
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ). L'enfant, un être social : mieux comprendre son histoire développementale jusqu'à 5 ans: formation
Godin, Louise. (2020). Est-ce que mon bébé peut apprendre à dormir. La Voie Lactée, Ligue La Leche,18(2). louisegodin.com
Комментарии